par fernando » 12 Sep 2023, 14:40
cacedédi Biroute
De plus en plus d’étudiants s’enfoncent dans la précarité
Par manque d’argent, 36 % des étudiants sautent régulièrement un repas, révèle l’association d’entraide Cop1. Pour les syndicats, la perspective d’une réforme des bourses en 2025 ne saurait répondre à l’urgence.
Un étudiant qui dort dans sa voiture, à Dunkerque (Nord). Un autre qui ne parvient pas à trouver de logement à Angers. Un troisième qui vole une barquette de poulet dans un supermarché, à Paris. La rentrée universitaire est des plus alarmantes, rapportent les organisations étudiantes dans leur ensemble, qui se disent déjà très sollicitées pour venir en aide aux jeunes précaires.
Il n’a fallu que quelques minutes pour que la distribution de 500 colis alimentaires de l’association Cop1 affiche complet, place du Panthéon, à Paris, le 8 septembre. « Ça fait trois ans que l’association existe, on s’était dit que ce n’était pas censé durer… Mais la situation empire », constate Benjamin Flohic, son président.
Cop1 publie mardi 12 septembre son enquête menée par l’IFOP auprès de deux échantillons de près de 800 étudiants chacun : l’un, constitué des seuls bénéficiaires des paniers-repas de l’association, l’autre, représentatif de la population étudiante. Elle éclaire crûment un phénomène d’appauvrissement d’une partie de la jeunesse : 36 % des étudiants se privent régulièrement d’un repas par manque d’argent, et ils sont 58 % dans ce cas parmi les jeunes inscrits aux distributions alimentaires.
« La population étudiante a connu deux périodes très compliquées, rappelle M. Flohic. La première, qui a justifié la création de notre association, lors des confinements successifs qui ont fait perdre leurs petits boulots aux étudiants et des emplois à leurs parents. Il y a eu ensuite une petite accalmie, et voilà la deuxième période, celle de la spirale inflationniste. »
61 % ont renoncé à se chauffer
Parmi les bénéficiaires de Cop1, ils sont 55 % à avoir déjà été à découvert, 33 % à disposer de moins de 50 euros pour finir le mois une fois payés le loyer et les charges. Et 61 % ont renoncé à se chauffer l’hiver passé, contre 39 % dans le reste de la population étudiante. « Plus de 70 % des étudiants qui viennent nous trouver ne sont pas boursiers. Le sujet des bourses est bel et bien au centre de toutes les réflexions, car ces aides ne sont plus du tout calibrées », insiste Benjamin Flohic.
« Quand des distributions alimentaires sont déjà en préparation dès septembre, on sait que l’année va être très difficile. En 2022, certaines opérations ont attiré jusqu’à 1 000 étudiants », relate Eléonore Schmitt, porte-parole du syndicat L’Union étudiante. « Il y a la partie émergée de l’iceberg, c’est-à-dire des étudiants qui cumulent un job et leurs études, et qui, pour certains, vont renoncer à la fac après six mois. Et il y a la partie immergée, qu’on ne voit pas, avec des bacheliers qui renoncent à entrer dans l’enseignement supérieur par manque de moyens financiers », souligne Félix Sosso, porte-parole de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE).
Le montant des loyers augmente partout, de 10 % en moyenne pour un studio, estime une enquête de L’Union étudiante, avec une forte variation en fonction des villes : + 34,4 % à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), + 6,45 % à Dunkerque, + 9,6 % à Guyancourt (Yvelines) ou encore + 14,7 % à Saint-Denis de La Réunion, les outre-mer étant significativement touchés par cette hausse.
Quant aux 175 000 logements gérés par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), ils hébergent à peine 40 % de leur public cible, les étudiants boursiers. Pour une chambre Crous, on compte seize étudiants candidats, selon les calculs de L’Union étudiante, qui demande la mise en place d’un plan pluriannuel de création de logements étudiants et la construction en urgence d’au moins 150 000 logements universitaires.
« Etre la ministre des étudiants »
Globalement, le coût moyen de la rentrée atteint 3 000 euros, selon les calculs effectués par la FAGE dans l’ensemble des régions, porté par la hausse des frais de loyers (+ 8,9 %) et d’alimentation (+ 15,4 %). En face, l’aide au logement n’a progressé que de 1,6 % et, en sus des frais d’inscription – dont le coût est gelé depuis trois ans –, la contribution à la vie étudiante, sorte de taxe payée par les étudiants à leur établissement, a progressé de 10 euros en cinq ans, pour atteindre 100 euros. Les charges des résidences Crous, quant à elles, ont grimpé de 3,5 %.
Devant la presse, le 8 septembre, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Sylvie Retailleau, a affirmé vouloir être « d’abord la ministre des étudiants et continuer à garantir les conditions d’égale réussite » grâce à « la plus forte hausse des montants des bourses depuis dix ans », de 37 euros à 127 euros par mois, qui entre en application en ce mois de septembre. Mais elle a renvoyé à 2025 la « réforme structurelle » du mode d’allocation des bourses, pour laquelle une concertation est menée depuis un an, sans résultat tangible. La déception des organisations étudiantes est d’autant plus aiguë que l’idée d’une allocation universelle, qu’elles défendent unanimement, n’est pas retenue par Mme Retailleau, qui privilégie une refonte des aides « à la source », adossée au chantier lancé au début du quinquennat et conduite par la ministre des solidarités et des familles, Aurore Bergé.
Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les annonces sur la réforme des bourses étudiantes à nouveau repoussées
Le demi-milliard d’euros décroché pour financer en cette rentrée la hausse du montant des bourses et l’intégration de 35 000 nouveaux bénéficiaires risque de rester sans suite, redoute M. Sosso. « Le gouvernement considère que désormais l’effort est fait. Or la réforme des bourses, c’est le sujet qui nous obsède, insiste le porte-parole de la FAGE. Il n’y aura donc aucune refonte globale du barème, aucune ouverture sociale très large ? »
Un modèle avait pourtant été proposé par le Conseil d’analyse économique, en décembre 2021. Dans une note rédigée à l’attention du gouvernement, les économistes Gabrielle Fack et Elise Huillery proposaient, pour un coût annuel de 870 millions d’euros, d’augmenter les montants actuels des bourses de 1 000 euros par an et d’élargir l’accès au premier échelon de bourse de façon à atteindre 66 % des familles, soit « l’ensemble des classes moyennes et populaires », relevaient-elles.
"L'alcool tue lentement. On s'en fout, on a le temps."