par fernando » 17 Fév 2021, 12:39
Sans recettes de matchs, lâché par Mediapro, le football français demande davantage à l’Etat
Après le désengagement de leur diffuseur principal, le président de la Ligue, Vincent Labrune, et quatre présidents de clubs ont exposé, mardi, leurs craintes au gouvernement.
Comme tant d’autres entreprises privées en difficulté, la Ligue de football professionnel (LFP) et ses clubs en appellent à l’Etat. Se plaignant d’aides « insuffisantes ou inadaptées pour poursuivre l’activité de la filière », le secteur réclame un « plan de soutien d’urgence » pour sortir de la crise. Celle causée par le Covid-19, qui contraint les équipes à jouer à huis clos, après l’arrêt prématuré de la saison précédente. Mais aussi celle due à la défaillance du diffuseur sino-espagnol Mediapro, incapable de verser les sommes promises, et finalement remplacé au rabais par Canal +, début février.
Une semaine après la publication d’un communiqué alarmiste, la Ligue a obtenu une réunion par visioconférence avec le gouvernement, représenté par trois ministres, mardi 16 février en fin de matinée : Jean-Michel Blanquer (qui avait reproché aux clubs une forme de « cupidité » et d’« irréalisme » dans le dossier Mediapro, en novembre sur RTL) et Roxana Maracineanu pour les sports, Alain Griset pour les petites et moyennes entreprises.
A l’issue de ce rendez-vous, le ministère chargé des sports a annoncé la constitution sous peu d’un groupe de travail pour réunir dirigeants de clubs et représentants du gouvernement. Sans pour autant, pour le moment, officialiser de mesures.
Ne pas avoir à rembourser les prêts garantis par l’Etat
La discussion de mardi a donné la parole dans un premier temps à quatre présidents – et propriétaires – de club : le Lyonnais Jean-Michel Aulas, le Montpelliérain Laurent Nicollin, le Lorientais Loïc Féry, et Pierre-Olivier Murat, en Ligue 2, pour Rodez ; ainsi qu’à Vincent Labrune, patron de la Ligue.
Sous couvert d’anonymat, l’un de ces présidents résume l’argumentaire pour justifier leur démarche : un club professionnel de football, insiste-t-il, « c’est plus que du sport ». Soit des dizaines, voire des centaines de salariés administratifs, ainsi que de l’emploi indirect. Sans oublier les cotisations sociales, alors que les rémunérations des joueurs représentent le principal poste de dépenses en Ligue 1 – le salaire médian d’un joueur s’élève à environ 43 000 euros brut par mois cette saison, selon nos informations.
En novembre 2020, l’Etat indiquait avoir débloqué près de 4 milliards d’euros d’aides à l’ensemble du monde sportif depuis la pandémie. Dont une part considérable au football professionnel.
Les clubs et la Ligue ont ainsi contracté des prêts garantis par l’Etat (PGE). Soit 600 millions d’euros. Comme promis en novembre, les premiers remboursements de ces prêts spéciaux devront intervenir au plus tôt en 2022, et non en 2021.
Mardi, au cours de la réunion, la Ligue a adressé une demande : d’après nos informations, elle aimerait transformer en subvention publique le PGE de 224 millions d’euros auquel elle a souscrit en mai 2020… et donc ne plus avoir à le rembourser. Réponse négative des ministres, pour le moment.
Le non-paiement de la taxe Buffet à l’étude
D’après une source gouvernementale, les clubs souhaitent également échapper au paiement de la taxe dite Buffet, qui doit redistribuer au sport amateur 5 % des recettes télévisées du sport professionnel − et donc en majorité du football. Cette saison, ils proposent que l’Etat assume le versement (moins de 40 millions d’euros) à leur place. Les ministres promettent d’étudier cette possibilité, « sans déborder d’enthousiasme » et sans encore donner leur accord, par crainte de « mettre en péril le financement » du sport amateur, assure la même source.
Outre les PGE, les dirigeants de Ligue 1 et de Ligue 2 bénéficient d’un autre dispositif de droit commun : le recours au chômage partiel. Même les joueurs ont bénéficié de la mesure lorsque le premier confinement a précipité la fin du championnat – dans la limite, très vite atteinte, des plafonds autorisés. Le ministère chargé des sports n’a pas livré au Monde l’estimation de la somme déjà allouée dans ce cadre. Pour l’heure, ces exonérations ne doivent pas excéder 800 000 euros par entreprise. Le gouvernement prévoit de doubler ce montant cette année, sous réserve de l’accord de la Commisssion européenne.
Selon le décompte ministériel, le football professionnel a aussi perçu 75 millions d’euros d’aides spécifiques. La somme comprend les exonérations de cotisations sociales opérées au dernier trimestre de 2020, ainsi que le fonds d’environ 45 millions d’euros pour compenser en partie les pertes de billetterie entre juillet et décembre 2020. Les débats de mardi ont évoqué la possibilité de reconduire un tel fonds pour l’année en cours.
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Dans les mois à venir, les dirigeants de club entendent aussi avoir accès aux mêmes aides que celles d’autres secteurs sinistrés comme le tourisme ou la culture. Ils souhaitent devenir éligibles au fonds de solidarité censé prendre en charge « les coûts fixes » des entreprises − possiblement les salaires. Avec l’espoir de rehausser le plafond, fixé à 3 millions d’euros par société.
Entre le Covid-19 et les promesses vite envolées de Mediapro, les formations du championnat de France s’attendent à des pertes cumulées de 1,3 milliard d’euros au terme de la saison, en juin. Pour éviter les faillites, et sans même avoir besoin de l’Etat, ils peuvent toujours s’inspirer du Stade de Reims. Le 8 février, le club annonçait avoir trouvé un accord avec ses joueurs pour « une baisse significative » de leurs rémunérations.
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