par fernando » 21 Jan 2021, 14:28
Fascinant de connerie.
Investiture de Joe Biden : les soutiens de QAnon face au difficile « mur de la réalité »
Les partisans de la théorie du complot ont attendu en vain l’arrestation de Joe Biden mercredi et l’exécution du « plan » qu’aurait, selon eux, orchestré Donald Trump.
Jusqu’à la dernière minute, certains y ont cru. Il fallait continuer de « faire confiance au plan ». L’investiture de Joe Biden et de Kamala Harris ne pouvait pas avoir lieu ; Trump et ses alliés avaient forcément tout prévu. « A ceux qui doutent encore ce soir, rappelez-vous à quel point Trump est toujours des années-lumière en avance sur ses adversaires, écrivait, tôt le 20 janvier, l’influent conspirationniste québécois Alexis Cossette-Trudel. La séquence depuis l’élection a été minutieusement planifiée depuis au moins 2018 (…). C’est au tour des forces armées américaines de prendre le relais. Hooah ! Un monde meilleur est à nos portes. »
Dans la mythologie de la théorie du complot QAnon, une « tempête » (storm) doit, en effet, emporter simultanément, grâce à l’action secrète de Donald Trump, tous les membres d’une prétendue cabale d’élites corrompues.
Le président américain, Joe Biden, l’ancienne candidate à l’élection présidentielle Hillary Clinton et des dizaines d’autres responsables démocrates et de célébrités doivent être arrêtés simultanément par l’armée, pour répondre de leurs crimes ; selon cette théorie conspirationniste qui s’est largement propagée aux Etats-Unis et ailleurs en 2020, ils vont de l’organisation de réseaux pédophiles à la fraude électorale durant l’élection présidentielle.
Lire notre dossier : QAnon : aux racines de la théorie conspirationniste qui contamine l’Amérique
La tempête a été maintes fois promise, sans qu’une date claire ne soit jamais énoncée, par « Q », ce compte en ligne anonyme qui publie ponctuellement des messages cryptiques censés guider ses partisans – et qui n’a pas donné signe de vie depuis un mois.
La tempête devait finalement se produire le 20 janvier – date de la cérémonie à l’issue de laquelle Joe Biden est devenu le 46e président des Etats-Unis –, affirmaient depuis plusieurs semaines les principales personnalités du mouvement. Avec un raisonnement simple : tous les membres du complot seraient rassemblés à Washington, où par ailleurs l’armée a été déployée ces derniers jours. Les militaires n’auraient plus qu’à procéder aux arrestations et Donald Trump pourrait reprendre le fauteuil de président que la cabale lui avait volé.
« Faire confiance au plan »
Durant toute la matinée, les partisans de « Q » ont donc attendu, en vain, l’annonce d’une arrestation de masse. Avec, pour certains, un doute qu’on sentait déjà poindre, ces dernières semaines : et si tout cela n’avait été qu’une arnaque ? Et si « Q » les avait trompés ? Sur un important canal de discussion Telegram consacré à QAnon, à quelques heures de la cérémonie, Anthony répond ainsi à Grey : oui, Donald Trump a échoué. « A moins que ça ne soit le plan depuis le début », continue-t-il néanmoins, perdu.
Au fil de la journée, l’injonction à « faire confiance au plan », slogan de la mouvance QAnon, était de plus en plus remise en question. Mais les militants, qui pensent que Donald Trump leur envoie depuis des années des messages codés à chacune de ses apparitions publiques, trouvaient des raisons d’espérer dans des images du 45e président prises durant la matinée devant Air Force One, sur lesquelles figurent dix-sept drapeaux américains – dix-sept, comme la dix-septième lettre de l’alphabet : Q.
Mais l’espoir s’est amenuisé, d’abord à l’arrivée de Joe Biden et de Kamala Harris au Capitole de Washington pour la cérémonie d’investiture, puis lors de leurs prestations de serment. « On n’est pas à l’abri d’une bonne surprise… Peut-être une balle perdue pendant son discours, une arrestation à sa sortie… Mais bon… », écrit, par exemple, un internaute, alors que Joe Biden vient de jurer de servir et de protéger la Constitution des Etats-Unis. « Soit Q était une arnaque et il n’y avait pas de plan, soit le plan a échoué », résume un internaute.
D’autres réactions sont bien plus furieuses. « Il n’y avait pas de plan », écrit ainsi en lettres capitales MAGA1775 sur un forum de discussions consacré à QAnon. « Biden vient d’être investi. Aucune arrestation de masse. C’est l’heure de se réveiller, bordel, et de regarder la réalité en face. » Mais pour quoi faire ? Dans les espaces de discussion pro-Trump, l’heure est aussi aux règlements de comptes entre groupes ; les partisans de QAnon y sont désormais accusés ouvertement d’avoir été les idiots utiles des démocrates, d’être restés à attendre une improbable « tempête » plutôt que de militer.
« Acheter plus d’armes et de munitions »
L’atmosphère est d’autant plus tendue qu’un passage du discours de Joe Biden a été reçu très clairement par les militants de l’ultradroite comme par les soutiens de QAnon : le président américain a évoqué le danger que représente pour le pays « l’essor de l’extrémisme politique, du suprémacisme blanc et du terrorisme intérieur ».
Quelques minutes après l’investiture, un canal Telegram conspirationniste a, par exemple, changé de nom pour moins attirer l’attention. Mais les visiteurs y sont désormais accueillis par un message qui leur recommande « d’acheter plus d’armes et de munitions ». Un autre groupe important a simplement bloqué tout nouveau commentaire.
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Dans cette ambiance délétère, les principales figures de QAnon ont choisi de continuer – au moins en apparence – à y croire. A grands coups de messages allusifs, citant le poète britannique Rudyard Kipling ou invoquant Dieu, ils tentent, encore et toujours, de convaincre leurs adeptes que « ce n’est pas fini ».
Mais au moins une des figures majeures du mouvement a fait défection : Ron Watkins, ancien administrateur du forum 8kun, où « Q » postait régulièrement, et qui est suspecté d’avoir, pour un temps, été la personne derrière la lettre.
« Nous avons tout donné », a-t-il posté le 20 janvier, après la cérémonie. « Maintenant, nous devons garder la tête haute et retourner à nos vies de la meilleure manière possible. Nous avons un nouveau président et c’est notre responsabilité en tant que citoyens de respecter la Constitution. » Un message peu audible pour des partisans QAnon qui oscillent maintenant entre découragement et colère.
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